H
A I K U S P
I R I T
Jours
Ordinaires
Haïkus
1992-93
Rumeurs de télés
Ce soir tranquille de juillet
où je lis Buson
Une mauve fleurit
au bord du macadam où
mourut la couleuvre
Midi L'olivier
immobile sous le poids
d'un azur torride
Au repas du soir
pour hôte : un criquet uni-
jambiste Lune froide
Du catalpa
une feuille se détache
et tombe en silence
Longues pluies d'octobre
Le capitaine des pompiers
rabote sa porte
Plein midi Le
chrysanthème blanc éblouit
l'homme dans sa cuisine
Cabane de montagne
une lumière dans le soir
L'automne se retire
Première gelée
La pie est venue manger
le gras du jambon
Un autre monde :
ce monde-ci pris par le givre
Noël en montagne
Que l'année s'en va
le matou au coin du feu
ne s'en soucie guère !
Finir en ermite
dans ces montagnes givrées
où crie le corbeau
Les primevères fleurissent
Et combats et violences
déchirent ce monde
D'une violette à l'autre
le bourdon ne s'embrasse
pas du moindre choix !
Est-elle donc si
différente de la nôtre
la vie du bourdon ?
Mon pêcher en fleur !
Sa seule fleur il va la perdre
si ce vent persiste
Ah mes pauvres lys
friandise des escargots
jamais ne fleurissent !
Le voisin méfiant
a mis du grillage autour
de son seul rosier
Nyons et les environs
Juin 92 - Avril 93
Pâques au village
à Bart Mesotten
Cerisiers sauvages
qui s'abandonnent en désordre
aux premiers soleils
Brume matinale
Quelqu'un cueille des pissenlits
le long du canal
Journée de brouillard
Sur la péniche le linge
séchera-t-il donc ?
Recquignies, Nord
Avril 93
Dans le T.G.V.
buvant de la bière en boîte
entre un bouledogue et une femme
à la mémoire d'Edouard
Une rose fleurie
Le chemin de cette vie
est parfois si court
Renoncement
Cette époque d'excités
n'est pas la mienne
Printemps solitaire
Dans l'armoire de la cuisine
un oignon qui germe
Paisiblement
les églantines fleurissent
comme à chaque printemps
Scarabée tué
en binant les "mauvaises" herbes
Mauvaise conscience
Massacrant les fleurs
qui s'offrent à ma pioche
pour gagner ma vie
Comme l'an passé
ce vieux chèvrefeuille en fleurs
après les cerises
Les bourdons ont fait
leur nid dans ma vigne Les
chasser ? j'y renonce
Sur l'abricotier
un perce-oreille s'étonne
de rencontrer l'homme
Cette mouche n'en
déplaise à Issa j'ai bien
envie de la frapper !
Etourdi de bleu
un homme du Nord aux yeux gris
perdu en Provence
Un grillon perdu
sur l'émail froid de l'évier
Dehors les cigales
Rue des Stes-Maries...
Là ils habitent une roulotte
entre deux autoroutes
Nyons et les environs
Avril - Août 93
Un rêve d'eau grise
Gourmet le moustique
choisit les meilleurs morceaux !
Nuit d'été
Son chien sous la table
l'éclusier s'est endormi
dans un rêve d'eau grise
Sur les orties blanches
d'un jardin à l'abandon
deux papillons blancs
Sous un crachin gris
les chaises en plastique blanc
prévues pour l'été
Ils se font petits
dans l'immense bleu du Sud
petits ces nuages
Nord - Provence
Août 93
Feuillet d'hôpital
à ma femme
Automne précoce
Le premier marron tombé
dans la cour de l'hôpital
Les visiteurs s'en
vont les couloirs se vident
La lumière du soir
Fraîcheur Près du
crachoir sanglant un recueil
de poèmes chinois
Après sa prière
le signe de croix du voisin
marchand de légumes
Cherchant cherchant une
posture sur le lit pour ce
pauvre corps souffrant
Première promenade
hors de l'hôpital Tiens Elles
ont mûri les mûres !
Douceur matinale
Un marron tombe et s'enfonce
dans la boue du parc
Il m'offre des oeufs durs
et son bon sourire en plus
l'étranger d'Afrique
Midi Les yeux rouges
une mère de malade transporte
une bouteille d'Evian
D'une sauterelle
sur une feuille de bambou
rien que les yeux rouges
Au soleil de l'aube
la voiture des pompes funèbres
vint quérir quelqu'un
Une branche de laurier
prise dans la jungle des villes
pour faire ma soupe
Avignon
Septembre 93
Immobile le chat
sur l'ancien mur qui s'écroule
contemple l'automne
Jour de balayage
Apparaît, disparaît, le
grillon du foyer
D'un simple souffle le
petit autel du bouddha
est dépoussiéré !
Le geai (Le coucou
on ne l'entend plus)
Automne de brume
La mante religieuse
prise pour une sauterelle
par des gens de ville
Il traverse la route
comme si les temps n'avaient pas
changé le scarabée
Au pied du Bouddha
Offrande du vent d'automne :
une feuille de chêne
Une petite sieste
sans "rêve de papillon"
Déclin d'un automne
Givre du matin
Un clochard à la Santôka
se fond dans la brume
Nyons et les environs
Septembre - Novembre 93